Tractations secrètes

La lumière vacillante emplissait la pièce d'un éclat froid. Sur la pierre fendillée des murs s'étendaient des filets de givre, et l'haleine des cultistes se muait en fumée. A la chaux vive, Akshub avait peint sur les dalles un cercle garni de huit pointes sur sa circonférence. Le corps mutilé d'un des acolytes de la prêtresse orientale était étendu au centre, les bras en croix. Sahaal regardait avec soin les apprentis du temple se répartir autour du cercle, veillant à ce que chaque étape du rituel fût méticuleusement observée. Echouer maintenant, après avoir investi tant d'efforts pour réveiller le gardien de l'Avatar et l'amener jusqu'ici, aurait été un désastre.

La chambre secrète au coeur du sanctuaire impérial de Lassa, capitale de Rhun, était établi à plusieurs centaines de mètres sous terre, et un sortilège maléfique gardait ce lieu dans un perpétuel état de glaciation. Elle était de plus cachée des yeux indiscrets par une puissante magie abusant les sens et déclenchant une illusion poussant l'imprudent au suicide.

Akshub s'agenouilla et arracha le coeur de l'homme mort, prélevant d'une main experte l'organe encore chaud dans la cahe thoracique de son propriétaire. Elle en prit une bouchée avant de le tendre à Tsepha, son acolyte survivant.

Le coeur fut passé de mains en mains autour du cercle, chacun des adorateurs mordant dans la riche viande rouge. Quand ils arrivèrent à lui, Sahaal prit les restants du coeur qu'il engloutit voracement, et sentit le sang couler sur son menton, en goutant au souvenir de l'acolyte dont la lame avait tranché la vie.

Le sang se répandait sous le cadavre, s'insinuait dans les rainures creusés au sol pour s'écouler vers l'entonnoir situé au centre du cercle. Sahaal savait que du sang y était conservé en permanence, riche en essence humaine et habité de la puissance du dieu à la main sanglante. Quel meilleur moyen de puiser dans cette puissance qu'en employant la substance vitale qui portait en elle sa bénédiction ?

Un garde du sceau apparut soudain à travers l'embrasure de la porte, jeta un rapide coup d'oeil au rotuel et chuchota à l'oreille d'un prête de sang avant de refermer la porte.
Le prêtre s'avança d'un pas claudiquant et s'inclian devanr sahaal avant de commençer à parler d'une voix chevrotante:

-Monseigneur, un émissaire de l'armée du Nord vous attends dans la salle du conseil, il a dit que c'était urgent...

-C'est réussi ? demanda Sahaal sans prêter la moindra attention au prêtre. Akshub hocha la tête et se leva la longue dague qui avait ouvert la poitrine du mort.

-Oui, la puissance de Celui qui Réside Au-delà est avec nous. Mais nous devons être rapide. Une autre présence est proche, un fantôme a un oeil qui marche entre les mondes et cherche à prendre la place du père.

-Sauron, vieux serpent, gloussa Sahaal en levant les yeux au plafond de la chambre. Tu ne nous arrêtera pas. Tu es trop loin, et le gardien est trop inerte. Il se tourna ensuite vers le prêtre.

-Un émissaire de l'armé de du Nord, dis-tu ? Le prêtre hocha vigoureusement la tête. Bien".

Sahaal sortit sa hache de rituel et éviscera le prêtre hurlant en un seul coup. Le sang et les organes éclaboussèrent le cercle qui se mit à briller d'une lueur rougeatre autour du corps du premier sacrifié.

-Continuez le rituel, ordonna Sahaal d'une voix douce, je ne serais pas long.

Daymont Praji attendait dans le Hall où on l'avait mené, contemplant les luxueuses décorations aux murs et les tapisseries retraçant l'histoire du Rhùn. Assurément, son hote avait du gout, et était possésseur d'une rgande fortune, sans doute issu des pillages de guerre. Glaurung, son seigneur à lui, était aussi un grand amateur d'art et de trésors.

C'est alors que la porte s'ouvrit en grand laissant passer le fameux seigneur des Orientaux que Praji avait par erreur appelé "Khorne" tout à l'heure. Le légat haradrim s'inclina devant Sahal, comme l'exigeaient les règles de la diplomatie, non sans remarquer la hache tachetée de sang dont ce dernier était armé. Toujours suivant le protocole, il prit la parole:

-Merci de votre accueil, noble seigneur. C'est mon maitre Glaurung d'Erebor qui me mande en ces lieux. En effet, unissant ses forces à celles des généraux Annatar et Sharnlock, mon maitre vient de mettre le siège devant els Monts du fer. La résistance des nains est rude, et il souhaiterait que Votre Exellence lui envoie quelqeus renforts pour raccourcir la durée du geste.

Comme Sahal pouvait le deviner, il ne s'agissait là que du prétexte officiel de la venue de l'étranger. Praji avait été chargé par Glaurung d'une mission ebaucoup plus secrète, mais aussi plus dangereuse. C'est ainsi que le diplomate, jeta un regard circulaire autour de lui, vérifiant si aucun laquais ne se tenait dans les couloirs, avant de reprendre la parole:

-Mon maitre aurais aussi souhaité connaitre votre... opinion, à propos du nouveau premier lieutenant du Seigneur des ténèbres, le sénéchal Noir. Il a fait beaucoup parlé de lui ces temps-ci.

En effet, Praji avait été mis au courant du vaste complot qui se tramait en ce moment meme contre la personne du Sénéchal Noir. De nombreux généraux de Morgoth ne pouvaient plus supporter l'arrogance l'influence sur le Seigneur des Ténèbres que gagnait chaque jours le Sénéchal. D'autres encore, tels que Glaurung, étaient scandalisé par toute les libertés que se permettaient ce parvenu, qui risquaient d'affaiblir les forces d'Angband. Les conjurés tenaient à ce que Sahal, le célèbre seigneur de Rhùn, les rejoigne dans leur action.

Sahaal observa un moment le Haradrim incliné devant lui, le jaugeant du regard tandis que ce dernier formulait les requêtes de son maitre dragon.

« Les dragons, pensa Sahaal. De stupides bêtes assoiffées de sang et de richesses et ne cherchant rien d’autres que d’atteindre leur buts, ne voyant pas plus loin que le bout de leur nez… »

Il se mit à tourner autour de l’émissaire, analysant le moindre tremblement de ses muscles, le plus petit mouvement de son corps…Et se dit qu’il ne l’aimait pas. A vrai dire, il n’avait jamais aimé les Haradrims. Toujours trop fiers, trop sure d’eux et de plus, lèche-bottes sans aucune pensées d’un tyran revenu d’entre les morts.

-Il aurait été plus simple pour vous de rester en dehors de ça, mais vous avez voulu jouer les importants….et regardez ou vous en êtes…serviteurs d’un ainé déchu par ses pairs…Dis-moi, émissaire, dit-il en se tournant vers Praji, as-tu déjà vu quelqu’un mourir ?

L’émissaire ouvrit la bouche mais Sahaal lui coupa la parole.

-Oui…évidement…sinon, on ne t’aurait pas envoyé ici. On doit connaitre la mort avant de pouvoir lui parler. Sache que je ne sacrifierai pas mes soldats dans une guerre perdue d’avance contre ces bas-du-cul. Il me semblait pourtant avoir été clair, les volontaires des armées orientales seront incorporés dans la légion mercenaire des armées de Morgoth, mais je ne fournirais pas des troupes en surplus. Vous pourriez aussi envoyer des Haradrims, ajouta-t-il avec un sourire cynique.

Sahaal nota avec plaisir que l’émissaire blêmissait sous l’insulte, mais il eut le bon sens de ne pas répondre à la provocation. Sahaal continua.

-Quand au sénéchal noir…Il m’a l’air compétent pour un serviteur de Morgoth. Visiblement, son succès ne plait pas à tout le monde, et ton maitre ainsi que d’autres généraux voudraient essayer de lui faire passer son arrogance…Mais si il obtient de meilleur résultats que tes maitres, n’est pas plutôt eux qu’il faudrait faire passer de l’autre côté ?

Il ricana d’un air mauvais, avant de se diriger vers le fond de la pièce et de s’assoir sur un fauteuil de pierre noir.

-Tu n’as qu’une seule chance de me convaincre du bien-fondé de cette action. Alors vas-y, persuade-moi….

Evidemment, Daymont Praji s'attendait à ce que Sahaal de Rhùn n'accepte pas de se joindre à la conspiration de bon coeur. Mais il ne put s'empecher d'etre quelque peu surpris en entendant la réponse du maitre des orientaux. A l'évidence, ce dernier tenait farouchement à son indépendance, et ne sacrifierait nullement ses légions sans contrepartie. Par ailleurs, il semblait vouer une haine farouche aux Haradrims, et l'émissaire dut se contenir pour ne pas répondre à l'insulte cinglante qui lui fut lancée. Il fallait donc abandonner les arguments sur la dépravation des Ténèbres et le désordre déclenché par le Sénéchal, qui avaient eu tant de succès auprès des généraux ressucité nostalgique des gloires du Ier Age. non, celui-là serait plus attiré par l'appat du gain, ou par la volonté de se défendre contre une quelconque menace. Feignant de rester impassible sous le menace, Daymont Praji prit donc la parole:

-Le Sénéchal est l'ennemi commun de tous les serviteurs de Morgoth: ses pensées ne sont tournées que vers l'opportunnisme et l'ascension personnelle. Ne voyez-vous donc pas tous les pouvoirs qu'il a cumulé ces derniers temps ? On dit que son ascendant sur le maitre est indiscible, et qu'il cherche à éliminer tous les autres serviteurs des ténèbres pour asseoir son unique pouvoir. Déjà nombre d'entre nous ont disparu mystérieusement, et le Sénéchal s'est attribué leurs terres et leurs troupes. Tot ou tard, vous pourriez faire partie de ses cibles, comme tous les autres généraux de Morgoth. Mon maitre pense qu'il faut nous unir pour abattre la mauvaise herbe avant qu'elle ne se transforme en ronce grimpante et qu'elle ne nous détruise tous.

Par ailleurs... Songez à la fortune personnelle du Sénéchal noir. On dit que els richesses qu'il a accumulé au cours de ses campagnes dépasse de loin celle du Seigneur des ténèbres et de tout prince de ce Monde. Un partage équitable pourrait etre organisé entre tous les vainqueurs.

Voilà quelle était la veine de cette argumentation: les généraux de Morgoth, malgré elrus différences, avaient un ennemi commun déjà puissant, qui pourrait profiter de leurs disputes itnernes pour els éliminer els uns après els autres. Praji avait usé là de tout son art de la diplomatie, et attendait non sans une anxieté bien dissimulée la réponse du maitre de Rhùn.